Même si les reformations vont bon train depuis quelques années, voir Jay Mascis ressortir des bois avec son Dinosaur Jr. était plutôt utopique depuis la fin des années 1990. Et encore moins avec la formation originale! La séparation d'avec Lou Barlow s'étant effectuée à coups de guitares dans la tronche et d'échanges vindicatifs à base de morceaux orduriers du Dino d'un côté et de Sebadoh de l'autre, leurs retrouvailles durent tout de même être épiques. L'effacé batteur Murph est également du lot faisant de Beyond le premier album de la formation originale depuis Bug sorti près de vingt ans plus tôt.
Bon, c'est bien beau de miser sur les vieilleries pour se refaire du brouzouf (quel est l'autre but d'une reformation?) mais encore faut-il en avoir les capacités. Trop de musiciens salissent ainsi la mémoire de leurs glorieux faits passés. La liste est infinie. L'appréhension est d'autant plus importante vu l'état dans lequel se trouve Jay Mascis aujourd'hui: un nerd rincé à la vivacité d'une tortue narcoleptique et dont les cheveux ont blanchi aussi rapidement que ses lunettes et son bide ont grossi. Le non-look ultime.
Comme si il voulait d'emblée nous rassurer, le chevelu embraille directement sur un gros solo au son cradingue dont il a le secret. Production sale et assourdissante (par Jay Mascis également), riffs et rythmique préhistoriques, on retrouve la marque des premiers albums du groupe. Derrière ce bordel tente de se faire entendre la voix au bout du rouleau du guitariste. Les ingrédients de ce qui faisait autrefois le charme de ce groupe unique sont là.
Mais, comme toujours, le plus important: les chansons. Si les deux derniers albums de Dinosaur Jr, Without A Sound et Hand It Over, dénotait un essoufflement flagrant de la capacité à dresser des mélodies douces amères, titre après titres Beyond s'avère lui bien plus consistent. Sa voix toujours aussi fatiguée permet à Jay Mascis de déclamer plaintivement des paroles tantôt désespérées tantôt pleine de compassion. Comme s'il voulait nous rassurer ("We're Not Alone", "This Is All I Came To Do", "Crumble" ou "What If I Knew..."). Un misérabilisme étalé pour mieux le surmonter et pour ne surtout pas s'y vautrer.
Sa science des riffs lourdauds mais expressifs étincelle sur "Been There All The Time" ou un "Pick Me Up" limite heavy metal, la finesse en plus et la vulgarité en moins.
Lou Barlow y va également de deux compositions qui fleurent bon le Sebadoh. La ballade désenchantée "Back To Your Heart" et "Lightning Bulb" qui rappelle l'époque où son ancien groupe vacillait entre délicatesse folk et puissance hardcore.
On retrouve également la culture fainéante de la branche pop lo-fi de l'alternatif élevée en art de vivre. Artwork patchwork, patte à modeler et effusion de couleurs. Et cette pochette! Un canapé qui avale un guitariste qu'on devine vissé dessus à longueur de journée. Blague potache entre nerds mais non dénuée de sens.
Note: 7/10
Label: Fat Possum - 2007
Support: Vinyle
1. Almost Ready
2. Crumble
3. Pick Me Up
4. Back To Your Heart
5. This Is All I Came To Do
6. Been There All The Time
7. It's Me
8. We're Not Alone
9. I Got Lost
10. Lightning Bulb
11. What If I Knew