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Autre Chose

Chroniques musicales et comics en vrac...


The Byrds - The Notorious Byrd Brothers

The Byrds - The Notorious Byrd Brothers

Malgré une façade immaculée constituée par quatre albums frisant la perfection, à l’automne 1967 l’entreprise Byrds s’effiloche inexorablement. Gene Clark a déjà quitté le navire depuis quelques mois et lorsque le groupe entre en studio pour bûcher sur le successeur du chef d’oeuvre Younger Than Yesterday la tension entre les quatre membres restant du groupe est à son comble.
Son talent de compositeur s’affirmant, l’influence du bassiste Chris Hillman sur les décisions artistiques du groupe grandit à mesure que les frictions entre Roger McGuinn et David Crosby s’enveniment. Quelques morceaux sont enregistrés mais l’ambiance détestable pousse d’abord le batteur Michael Clarke à claquer la porte. Puis c’est un débat sur la pertinence d’enregistrer une reprise de "Goin’ Back", composé par Gerry Goffin et Carole King pour Dusty Springfield, qui vient mettre le feu aux poudres. Crosby ne veut plus s’abaisser à reprendre des morceaux alors que le groupe compte désormais trois compositeurs. De plus, il souhaite placer son morceau "Triad" sur l’album, les deux autres refusant pour cause de paroles déviantes traitant d’un triolisme sexuel, cette discussion se solde par le limogeage de Crosby. Au cours de l’enregistrement, Gene Clark réintègre le groupe mais sa peur panique de l’avion lui fera à nouveau jeter l’éponge, anticipant la tournée à venir. A la fin des sessions, le groupe de quatre personnes entré en studio ne se résume plus qu’au duo McGuinn-Hillman. Le choix du titre est d’ailleurs choisi en clin d’oeil à cette situation, les membres s’entredéchirant comme les frères d’une même famille. Le cheval posant en lieu et place de David Crosby sur la pochette témoigne de la relation détestable entre celui-ci et le reste du groupe.
Pourtant ces sessions vaudevillesques n’entament en rien le talent artistique des Byrds. The Notorious Byrd Brothers est un nouveau chef d’oeuvre total. Les engueulades et les claquements de portes n’ont pas perturbé la soif d’innovation de McGuinn. Au contraire, il met à profit ses expérimentations passées ainsi que celles de ses confrères (c’est le premier Byrds post-Sgt Pepper) pour développer encore un peu plus le style du groupe. Le producteur Gary Usher, spécialisé en surf et ancien collaborateur de Brian Wilson, en ajoute une couche supplémentaire en utilisant une palette d’effets jamais vue: phaser, flanger, compression extrême, effets stéréo divers, traficotage des voix... L’album voit également l’apparition du synthé Moog dont McGuinn a rencontré le créateur lors d’une démonstration au Monterey Pop Festival. Chaque morceau comporte son lot de bizarreries sans pourtant jamais exagérer à en gâcher la structure mélodique.
Car la base mélodique est admirable. Le mélange des influences des trois compositeurs amène à une remise en question totale de l’écriture pop. Les ballades de Crosby, la Rickenbacker pop et cristalline de McGuinn et l’attrait de Hillman pour le bluegrass et la country se mélangent en un nouveau style à cheval entre passé et présent: le country-rock. A nouveau, l’influence de Dylan sur les Byrds est cruciale, celui-ci mitonne d’ailleurs au même moment John Wesley Harding à l’aide des mêmes ingrédients.
Avec The Notorious Byrd Brothers, les Byrds sont plus que jamais au choeur même de leur époque, un pas vers le futur tout en honorant le passé. Arrangements ambitieux de "Change Is Now", "Old John Robertson" mixant psychédélisme et country, compositions alternant folk ("Tribal Gathering") ou pop ("Get To You") sur rythmes dansants traditionnels en 5/4, mélange psyché de voix, d’effets stéréo stroboscopiques et de cuivres ("Artificial Energy")... Un culot jamais vu qui ne débouche pourtant jamais sur un quelconque mauvais goût. Tout ça est subtilement dosé pour ne rien dénaturer.
Les paroles sont également au diapason. Quand "Goin’ Back" ou "Old John Robertson" relatent une nostalgie enfantine, des faits de société contemporains sont abordés par ailleurs. La guerre pour "Draft Morning", les nouvelles drogues sur "Artificial Energy", l’émergence des hippies à travers "Tribal Gathering" ou encore l’émancipation de la jeunesse et de ses libertés sur un "Change Is Now" traversé de fulgurantes guitares steel.
McGuinn signe également ses traditionnels morceaux poétiques comme le langoureux "Get To You", malicieusement introduit par un claquement de porte, ou l’évocation "Space Odyssey" basé sur la nouvelle The Sentinel d’Arthur C. Clarke (dont l’adaptation cinématographique par Stanley Kubrick donnera 2001 L’Odyssée De L’Espace quelques mois plus tard).
Si le groupe s’est décomposé au fil de son enregistrement, The Notorious Byrd Brothers s’inscrit tout de même dans la droite lignée des réussites précédentes et de la quantité de chefs d’oeuvres sortis entre l’automne 1967 et l’hiver 1968. On ne citera que The Who Sell Out des Who, Something Else des Kinks, Forever Changes de Love ou encore Wild Honey des Beach Boys pour ne pas trop appuyer le fait que nous vivons une époque musicalement misérable...

Note: 10/10
Label: Columbia - 1968
Support: Vinyle

 1. Artificial Energy
 2. Goin' Back
 3. Natural Harmony
 4. Draft Morning
 5. Wasn't Born To Follow
 6. Get To You
 7. Change Is Now
 8. Old John Robertson
 9. Tribal Gathering
10. Dolphin's Smile
11. Space Odyssey

Publié le par Ben


Publié dans Sixties, Pop, Psyche, Folk, Indispensable


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M
<br /> Ben,<br /> <br /> effectivement, un album remarquable, je l'ai acheté en version CD il y a deux mois............Bonne continuation.<br /> <br /> M.S<br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> En version remasterisée avec "Triad", le morceau de David Crosby rejeté? Il faudrait que je fasse un article pour parler uniquement des excellents bonus CD de cet album!<br /> <br /> <br /> <br />

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