The Troggs - From Nowhere

Formés en 1964 à Andover, petite ville du sud de l’Angleterre, les Troggs durent pédaler un moment avant de réussir à se faire un nom. Reginald Ball a déjà écumé quelques groupes en tant que bassiste lorsqu’il rejoint le groupe Ten Foot Five composé du bassiste Peter Staples et du guitariste Chris Britton. Le charismatique Ball prend alors les rênes du groupe, devient chanteur, recrute le batteur Ronnie Bond et renomme le tout The Troggs.
En 1965, suite à quelques déconvenues, le groupe décide de passer la surmultipliée en reprenant le tube des Kinks "You Really Got Me" de façon musclée et d’envoyer l’enregistrement au manager de ces derniers, Larry Page. Les Kinks étant définitivement en orbite, Page dédie alors la plupart de son temps au lancement des Troggs. C’est sur une suggestion du journaliste du NME Keith Althman, qui trouve son nom ringard, que Reginald choisi un nom plus ‘glamour’ en devenant Reg Presley.
Le groupe enregistre son premier single début 1966 "Lost Girl"/"The Yella In Me", deux compositions de Presley. Il sort en février chez CBS, passe inaperçu en Angleterre mais obtient un succès inattendu en Hollande. Ce premier morceau porte d’emblée la pâte reconnaissable du groupe: un R&B grondant doté d’un chant aussi mélodique que détraqué. En pleine explosion pop ouvragée, les Troggs revendiquent leur nom par un côté sauvage non dénué de qualités mélodiques.
En revenant d’un séjour aux Etats-Unis, Larry Page revient avec un morceau de Chip Taylor enregistré par les Wild Ones en 1965 en vue d’en faire une face B pour un des groupes qu’il manage. Les Troggs sautent sur le morceau et l’enregistre avec "With A Girl Like You", une composition de Presley, durant une session de quinze minutes. Devant le résultat, le groupe insiste pour que ce morceau devienne une face A, Page plie en place "From Home" en face B. Cette crétinerie calquée sur "Louie Louie" et dénommée "Wild Thing" remporte un succès immense. Le 45 tours sort en avril 1966 chez Fontana, se classe deux semaines durant n°1 aux USA, n°2 en Angleterre et cartonne un peu partout en Europe. Le rythme primaire, la diction rugueuse de Presley ainsi que son solo d’ocarina glauquissime font fureur sur la scène garage. Le morceau trouvera une nouvelle ampleur l’année suivante repris par Hendrix avec notamment une version live réputée dantesque au Monterey Pop Festival.
Les Troggs désormais catapultés dans le Swinging London, les singles s’enchaînent à vitesse fulgurante. "With A Girl Like You"/ "I Want You" en juillet 1966 (n°1 en Angleterre, n°29 aux USA), l’excellent "I Can’t Control Myself" en septembre 1966, première sortie du label de leur manager Page One (n°2 en Angleterre), la ballade cordée "Anyway That You Want Me", composée par Chip Taylor, en décembre 1966 (n°8 en Angleterre)... Les concerts ne désemplissent pas et des hordes de fans hurleurs se massent à chacun de leurs shows.
Mais le groupe tourne le dos au star system. Presley en particulier, refusant de jouer en playback lors des émissions de télé et se sauvant dès qu’il est un peu trop acclamé. Malgré son succès, le groupe est toujours snobé par la presse qui ne manque jamais de moquer la provenance provinciale du groupe, sans compter l’aspect brut et direct de ses morceaux. Ne manquant pas d’autodérision, les Troggs nomment alors leur premier album From Nowhere et posent pour la pochette dans une grotte lugubre en bons troglodytes, obligeant au passage ces journalistes snobs à fermer leur clapet.
Ce premier album sort en juillet 1966 et se classe dans les charts seize semaines, culminant à la 6ème place. Les compositions de Presley alternent entre morceaux R&B groovy ("Your Love", "Lost Girl", "From Home") et tentatives mélodiques plus ou moins réussies ("Hi Hi Hazel", "Jingle Jangle", "When I’m With You"). Ce mélange des genres s’il n’entraîne pas la monotonie durant les quinze morceaux donne un côté bigarré et cabossé à From Nowhere qui manque du coup de consistance. Viennent de plus s’ajouter aux compositions une pelleté de reprises intéressantes parfois, telle l’excellente "The Jaguar And The Thunderbird" de Chuck Berry chantée ici par Ronnie Bond ou "The Kitty Cat Song", mais souvent inutiles comme "Ride Your Pony" de Lee Dorsey, chantée Chris Britton ou l’insupportable "Louie Louie" dont ce doit être la millionième version.

Note: 6/10
Label: Fontana - 1966
Support: Réédition Repertoire

 1. Wild Thing
 2. The Yella In Me
 3. I Just Sing
 4. Hi Hi Hazel
 5. Lost Girl
 6. The Jaguar And The Thunderbird
 7. Your Love
 8. Our Love Will Still Be There
 9. Jingle Jangle
10. When I'm With You
11. From Home
12. Louie Louie
13. The Kitty Cat Song
14. Ride Your Pony
15. Evil